« Je me souviens »
L’évocation de la présence de soldats canadiens sur le front de l’Ouest durant la Grande Guerre reste encore forte de nos jours, en raison de la présence des nombreux cimetières et autres monuments dans toute la partie nord de la France et en Belgique. Ce souvenir est également alimenté par les liens particuliers entre la France et le Canada, notamment en raison de la population canadienne francophone. A cet effet, les contingents issus de Québec, tiennent une place particulière et emblématique que symbolise évidemment la devise « Je me souviens ».
Les bataillons d’Infanterie du Corps Expéditionnaire Canadien.
La création du Canadian Corps permet de lever 100.000 hommes essentiellement repartis au sein de quatre divisions d’infanterie. Chaque division regroupe trois brigades d’infanterie et des formations divisionnaires d’artillerie, du génie, des services et autres unités de soutien. Forte de 20.000 hommes, une division repose donc sur ses brigades fortes de 4.500 hommes repartis au sein de quatre bataillons. Le bataillon d’infanterie reste donc la base de l’organisation des formations militaires canadiennes. Le Canada va créer 260 bataillons d’infanterie pour alimenter sa machine de guerre. Cette organisation classique au sein des formations de l’Empire britannique s’appuie également sur des particularismes souvent régionaux, ethniques, religieux ou linguistiques. On citera, ainsi, les 28 bataillons de « canadiens écossais », les 4 bataillons de « canadiens irlandais » ou les 5 bataillons de la Légion américaine… Il faut cependant préciser que le recrutement de la majorité des bataillons provient de toutes les composantes de la nation canadienne.
Le 22e bataillon d’infanterie canadien français.
Le Canada va lever 13 bataillons de Canadiens français(1) mais celui dont le nom reste le plus connu est certainement le 22e. La création de formations francophones répond à une prise de conscience du besoin de participer à l’effort de guerre et à la solidarité nationale. Le 20 octobre 1914, le Gouvernement fédéral approuve ce projet, un régiment canadien français voit donc le jour. Les bataillons intégrés au Corps Expéditionnaire Canadien étant numérotés, il lui est attribué le numéro 22, en fonction de son ordre de création officielle. Le 22eme, ou « Vandoo » avec une prononciation anglaise, se forme à Saint-Jean-sur-Richelieu, il regroupe des volontaires issus de la « Belle province », le Québec. En mai 1915, ce millier de combattants embarque pour l’Angleterre. Il est affecté à la 5e brigade de la 2e division canadienne et sert ensuite sur tous les théâtres du Nord de la France et de Belgique. Il a également la lourde tâche, en tant que seule formation francophone constituée, engagée sur le front, de représenter les canadiens français dans cet effort national. Il redouble d’actions d’éclats pour obtenir la reconnaissance et le respect de toutes les autres formations de l’Empire britannique.
(1) Les bataillons sont les 22nd, 41st, 57th, 69th, 150th, 163rd, 167th, 178th, 189th, 206th, 230th, 233rd et 258th. Ils assureront la formation des recrues, notamment des renforts du 22e, durant le conflit.
Le bataillon s’illustre dans les tranchées de Flandres, où il connait des attaques au gaz. Il combat dans la Somme et participe à la prise de Courcelette. En aout 1918, le bataillon est quasiment anéanti lors de la prise de Chérisy près d’Arras. Le Lieutenant-Colonel Tremblay, vainqueur de Flers-Courcelette et Chef de Corps du « 22 » est promu, au mois d’août 1918, au grade de General commandant la 5e Brigade d’infanterie canadienne. Il est remplacé par le Lieutenant-Colonel Dubuc qui fera l’objet d’un article plus tard.
Plus de 5.000 hommes vont servir au sein du 22e durant la guerre. On dénombrera 1074 morts et 2887 blessés, soit plus de 65 % de pertes, ce qui en fera l’une des formations canadiennes les plus éprouvées de ce conflit. Le « 22 » se voit décoré de 18 « battle honors (2) » et de deux Victoria Cross, l’une reçue par le Caporal Joseph Keable, en juin 1918 et l’autre par le Lieutenant jean Brillant, deux mois plus tard.
(2) MONT-SORREL • SOMME, 1916, ’18 • FLERS-COURCELETTE • Thiepval • Crête d’Ancre • ARRAS, 1917, ’18 • VIMY, 1917 • Arleux • Scarpe, 1917, ’18 • Côte 70 • YPRES, 1917 • PASSCHENDAELE • AMIENS • Ligne Hindenburg • Canal du Nord • CAMBRAI, 1918 • Poursuite vers Mons • FRANCE ET FLANDRES, 1915-18.
Le 22e bataillon adopte un insigne très particulier représentant un castor (beaver, en anglais), surmonté d’une couronne du roi. Une banderole « je me souviens » devise de la province de Québec figure à sa base. L’insigne officiel présente le chiffre 22 sous l’écusson aux armes de Québec entouré de la mention « REGIMENT CANADIEN FRANCAIS ». Une version dite non officielle existe aussi, sans le chiffre 22. L’insigne a été produit par plusieurs fabricants mais seulement connus avec les marquages Caron Bros, au Canada, et Tiptaft, pour les fabrications anglaises.
Conclusion.
Très recherché par les collectionneurs d’insignes, tant au Canada qu’en France, cet insigne symbolise un lien fort entre le Canada et la France. Ce lien s’est renforcé dans les tranchées de la Somme, d’Artois et de Flandres où cette formation a combattu vaillamment aux côtés de ses compatriotes canadiens. Ces faits d’armes seront récompensés, le 1er juin 1921, par l’attribution du titre « Royal » au 22e régiment d’infanterie canadien français, par sa majesté le Roi George V.
Sources photographiques :
Ministère de la défense nationale. Bibliothèque et Archives Canada, PA-002764 & PA-002666
https://www.canada.ca/en/department-national-defence/services/military-history/history-heritage/official-military-history-lineages/lineages/infantry-regiments/royal-22e-regiment.html
https://heraldique.wordpress.com/
Official History Of The Canadian Army In The First World War Canadian Expeditionary Force 1914-1919 By Colonel G. W. L. Nicholson, C.D.
https://www.wikiwand.com/en/Royal_22nd_Regiment