Il y a plus de 15 ans, Pascal Beuf, passionné d’histoire, retrouve par hasard dans le bois de Rombly à Etaples-sur-Mer (Pas-de-Calais) une plaque d’identité militaire gravée ainsi : Ed Clément 3155418 Batt res 10
Ce qui donne l’identité du porteur :
Nom : Ed(ouard) Clément
Numéro de matricule : 3155418
10e bataillon canadien de réserve (certainement sa première affectation)
Elle fut probablement perdue au cours d’un entrainement. Pascal Beuf fait quelques recherches pour identifier ce canadien et garde précieusement sa trouvaille. Quand il la confie à Fabrice Dubuc, responsable de la communication de l’association des Amis du Monument Canadien de Vimy, il lui demande de retrouver, si c’est possible, un descendant pour lui rendre.
Celui-ci use des moyens de communications modernes et rapides des réseaux sociaux. Il poste une demande d’aide pour sa recherche sur la page Facebook « La Première Guerre mondiale et le Canada français » géré par Michel Litalien. L’affaire n’est alors pas longue à aboutir. Ayant lu la demande d’identification publiée par Fabrice Dubuc le 24 mai 2024, Martine Chiasson trouve la trace d’Édouard Clément et entre en contact avec ses descendants : la famille de son fils Gilles.
Anne et Fabrice Dubuc, en accord avec Véronique Valet-Paltani, Présidente de l’association décident de confier la plaque à Fabrice Théry, membre du Conseil d’Administration qui justement doit se rendre au Québec en juin.
Le Dimanche 16 juin, une délégation de quatre membres de notre association (Corinne et Fabrice Théry, Fabienne et Bruno Lopez), accompagnés de nos amis Québécois Martine Chiasson et François Gélinas ayant identifié les descendants et planifié cette rencontre, donnait une magnifique conclusion au périple de cette plaque d’identité.
Martine avait identifié puis contacté depuis le 24 mai des descendants d’Edouard. Ils avaient finalement convenu d’une rencontre à Pointe-Claire, ville située dans l’ouest de l’île de Montréal, où demeuraient Gilles Clément, le fils de notre soldat, et son épouse Danielle.
Notre petite délégation du souvenir fut immédiatement entourée par cette belle et attachante famille. Au cours de cette matinée radieuse, ils furent touchés par l’accueil exceptionnel qui leur fut fait. De nombreux membres de la famille étaient présents autour du couple octogénaire, soulignant l’importance de ce moment. L’arrière-petit-fils de Gilles, Edouard Dansereau, Noémie Perreault, sa compagne et Milan leur tout jeune fils ; Nathalie, fille de Gilles et mère d’Edouard Dansereau mais aussi Denise, 8e enfant du soldat Clément et son mari, ancien de l’US Navy. Tout ce petit monde tenait dans l’appartement, attendant le retour de la plaque.
Devant un grand portrait de lui en uniforme, la vie du soldat Edouard Clément nous était contée par ses enfants Gilles et Denise. Les invités découvrir ainsi qu’Edouard était un petit homme, dur à la tâche. Il était attentif et très à l’écoute. Il parlait peu et surtout pas de sa guerre qu’il n’évoquait qu’a de rares occasions et uniquement entre vétérans. Les invités purent contempler des photos de famille d’Edouard jeune, de ses parents et de sa vie d’après-guerre.
Chloé Bourquin, correspondante du journal Québécois « La Presse » avait souhaité couvrir cet événement selon elle rare et exceptionnel. En effet outre le fait particulièrement rare que notre morceau de métal gravé, chargé d’histoire militaire et familiale, revienne dans la famille du soldat Clément après 106 ans, il est tout aussi rare au Québec d’évoquer le parcours d’un conscrit canadien-français en France durant l’offensive canadienne des cent jours.
Puis Martine rappela le cadre dans lequel elle était intervenue pour retrouver les descendants d’Edouard. Musicienne de talent, elle avait avec elle son violon et débuta la partie officielle de cette réunion en jouant les notes du Réveil qu’entendait les soldats chaque matin. Puis Fabrice Théry détailla le parcours militaire du soldat Clément et surtout évoqua les différents acteurs (Pascal Beuf, Fabrice Dubuc et Martine Chiasson) qui permirent à cet objet égaré en 1918 de revenir en 2024 à sa descendance. Cet historique apportait ainsi la plupart des réponses aux questions que se posaient la famille sur leur ascendant.
Fabrice Thery, en tant que membre du Conseil d’Administration, procéda ensuite à la remise officielle de la plaque d’identité placée dans son cadre souvenir. Au nom de l’association des Amis du Monument Canadien de Vimy, il la confia à Edouard Dansereau, baptisé à sa naissance du prénom de son arrière-grand-père. Ce fut un moment fort en émotion pour le jeune homme qui découvrait en ce jour, le parcours de son aïeul durant la Grande Guerre et recevait la fameuse plaque d’identité qu’il portait alors. Il s’engagea immédiatement à la garder précieusement et de la faire voyager avec lui tout au long de sa vie en souvenir de son arrière-grand-père, ayant traversé l’Atlantique pour contribuer à la libération du territoire français en 1918.
Chacun put ensuite porter un toast et échanger sur cette histoire extraordinaire durant un excellent brunch préparé par la famille. Puis, il fut temps pour notre délégation de prendre congé afin de rejoindre à regret l’avion la ramenant en France. Tous avaient en se quittant le cœur plein d’émotion, la tête pleine de souvenirs et du bonheur plein les yeux. L’association est heureuse d’avoir pu favoriser le retour de cette plaque au Canada. Celle-ci, telle l’ultime pièce d’un puzzle est venue ainsi compléter la belle histoire de la famille Clément.
Historique :
Qui était Édouard Clément ?
Édouard est né le 29 septembre 1895 à Pointe-Claire. Il était le fils de Samuel Clément et Adèle Sureau.
Il est recruté en 1917 en application du « military act » promulgué la même année, et enrôlé à Montréal le 5 janvier 1918. Numéro de matricule au recrutement : 3155418
Il part pour l’Angleterre le 18 février à bord du navire Saxonia et y arrive le 4 mars. Il est alors affecté au 10e bataillon de réserve canadien déployé au camp de Witley, dans le Surrey pour complément d’instruction.
Le 8 août, il rejoint le 22e bataillon canadien-français en France, dans le Pas-de-Calais. Il séjourne d’abord sur les côtes de la Manche et affine son entrainement au combat dans l’immense camp d’Etaples, et plus précisément dans le bois de Rombly, situé au nord de la cette ville.
Engagé dans l’offensive des cent jours, mais resté en renfort à partir du 23 août. Il fait partie des premiers hommes envoyés d’urgence sur Beaurains (à côté d’Arras) pour combler les pertes terribles subies par son bataillon, décimé à Chérisy entre le 27 et le 29 août.
Il a l’occasion de combattre, notamment à la bataille de Cambrai en octobre avant d’être surpris par l’Armistice, en Belgique, près de la ville de Mons. Il participe ensuite avec son unité à une brève occupation de l’Allemagne.
Il rejoint l’Angleterre le 6 avril 1919 et embarque à destination du Canada où il est démobilisé le 20 mai 1919.
Son jeune frère Ernest a aussi été enrôlé (matricule 3166139), de juillet à novembre 1918, mais n’a pas été déployé.
Il épouse Lucienne Lefebvre à Pointe-Claire en 1928, avec laquelle il aura une grande famille de 10 enfants.
Il est décédé le 24 juillet 1962.
Trois enfants d’Édouard et Lucienne sont toujours en vie, soit Gilles (maintenant l’aîné), Denise et Hélène. Edouard, le petit-fils de Gilles, s’est vu remettre la plaque d’identité de son arrière-grand-père, trouvée en France, en hommage à celui-ci.
Crédits photos : Corinne Théry – lapresse.ca