Les insignes de l’artillerie de campagne canadienne victorieuse à Vimy (avril 1917)

La guerre de positions qui s’est installée, depuis la fin 1914, fige le Front de l’Ouest et les soldats dans un combat de tranchées. Les réseaux de boyaux marquent les positions et servent d’abris comme de tombes aux combattants. Ils se perfectionnent et se renforcent cependant au fil des mois de guerre. Les attaques, replis, contre-attaques se succèdent au rythme des préparatifs d’artillerie et surtout des hécatombes. Rien n’y fait, la guerre s’enlise. Les Alliés buttent sur des défenses impressionnantes des Forces allemandes, nids de mitrailleuses, réseaux de barbelés inextricables, notamment au sein de la désormais fameuse ligne Hindenburg. L’échec de l’offensive de la Somme, en juillet 1916, et ses nombreuses erreurs et approximations stratégiques imposent des changements stratégiques forts pour les Alliés. Les forces canadiennes, enfin réunies sous commandement unique, en ce printemps 1917, n’échappent pas à cette réflexion. L’utilisation innovante et prépondérante de l’Artillerie canadienne, lors de la bataille de Vimy, va en constituer un vibrant exemple.

Canadian Garrison Artillery cap badge, marquage Caron Bros Montreal 1915

L’Artillerie canadienne :

Les premières batteries d’artillerie canadienne font leur apparition au milieu du XIXe siècle (Militia Act de 1855), y compris à partir de diverses petites formations existantes parfois depuis la fin du XVIIIe siècle. Le Regiment of Canadian Artillery, formé en 1883, comme unité d’active (Permanent Corps) devient le Royal Canadian Artillery, en 1893. Deux ans plus tard, les unités d’artillerie de la Militia sont intégrées en tant que Canadian Field Artillery (CFA) et Canadian Garrison Artillery (CGA).

L’artillerie canadienne présente au sein de la force dite d’active (Permanent Force) est normalement appelée à rejoindre le Corps expéditionnaire, en août 1914. Ses effectifs sont alors repartis entre l’artillerie à cheval (Royal Canadian Horse Artillery), force mobile issue des unités régulières à la puissance de feu limitée, et l’Artillerie de campagne (Canadian Field Artillery – CFA), plutôt composée des artilleurs de la Milice, dotée de pièces plus puissantes. Les formations du Canadian Garrison Artillery (CGA), sont en charge des batteries les plus puissantes et lourdes. Elles se composent des unités dites de Siege Batteries ou Heavy Batteries. Près de 44 000 personnels rejoignent les formations d’artillerie canadienne, dont 33 000 vont servir outre-mer.

Chaque division du Corps expéditionnaire (CEF) se voit affecter une artillerie divisionnaire composée de trois brigades d’artillerie de campagne (CFA) et d’une brigade d’obusiers de campagne (CGA). Enfin, chaque brigade se compose de quatre batteries et d’une colonne de ravitaillement en munitions (BAC), bientôt regroupées, en 1916, en composante divisionnaire (Divisional Ammunition Column). Ces différentes formations n’échappent pas la règle et aux particularismes des unités canadiennes engagées dans le conflit, notamment pour ce qui est du port d’insignes de casquette, de col et autres titres d’épaules particuliers. Il est à noter que les batteries envoyées outre-mer (Overseas Field Batteries) vont également adopter des insignes personnalisés avec le numéro de batteries, plutôt difficiles à trouver.

4th Divisional Ammunition Column cap badge, marquage Birks 1916

L’Artillerie grand vainqueur de Vimy :

Dans ses explications détaillées concernant les préparatifs d’artillerie de la bataille de Vimy, le service historique du régiment Royal de l’Artillerie canadienne (voir note de bas de page) offre un éclairage pertinent quant au rôle fondamental joué par ces artilleurs dans la Victoire de Vimy. Les ordres précis, détaillés et minutieux donnés par le commandement, à travers la directive no1 de l’artillerie du Corps canadien, en vue de la capture de la crête de Vimy (35 pages), prévoient ainsi quatre phases distinctes et complémentaires.

Les deux premières phases comprennent les bombardements préparatoires. Durant la phase initiale (du 20 mars au 2 avril 1917), le dispositif prévoit des tirs d’artillerie ne dépassant pas 50 % des capacités en place. Les pièces d’artillerie lourde sont peu utilisées et leur réglage, plutôt imprécis, ne doit pas dévoiler les objectifs visés. La deuxième phase (jusqu’au jour de l’assaut) voit toute l’artillerie disponible prendre désormais part au combat. Il est question de détruire barbelés, tranchées, centres de résistance, batteries hostiles, ainsi que huit villages de la zone et des alentours, que l’on veut prendre d’assaut. Un « orage de feu », pour reprendre le titre de l’ouvrage d’Ernst Junger, s’abat sur la colline. A titre d’exemple, le village de Thélus est pratiquement anéanti par le feu de l’artillerie lourde. La deuxième phase comprend aussi deux tirs de diversion de barrage d’artillerie, pour tromper et surprendre l’ennemi, afin de l’obliger à déplacer certaines de ses ressources du cœur des combats.

La troisième phase concerne le bombardement en appui de l’assaut. Il se compose de barrages roulants et permanents ainsi que de tirs de contre-batterie. Les barrages roulants sont tirés 100 mètres devant l’infanterie qui progresse vers l’avant, ce qui constitue toute à la fois une protection du tir, pour eux, et une pression permanente pour les Allemands. Les barrages permanents se concentrent sur certaines tranchées et certains systèmes de défense particuliers. La quatrième phase du plan de feux de l’artillerie prévoit le mouvement des batteries de campagne derrière l’infanterie, au plus près, lorsque celle-ci aura capturé ses objectifs, afin d’offrir des tirs défensifs. L’artillerie lourde doit aussi se déplacer vers l’avant pour fournir le tir de contre-batterie, alors que leurs observateurs profitent désormais de l’observation directe de la plaine de Douai, rendue possible à partir du petit sommet de la crête de Vimy.

Au cours de la première phase, plus de 85 000 obus de munitions lourdes et 190 600 obus de munitions de campagne sont tirés. Pendant la deuxième phase, du 2 au 8 avril, période que l’ennemi appelle la semaine de souffrance, un flux incessant d’obus de tous calibres passe au-dessus de la tête des Canadiens pour frapper les tranchées allemandes. Au matin de l’assaut du 9 avril 1917, plus d’un million d’obus, d’un poids total de 50 000 tonnes, ont déjà frappé les positions allemandes, les transformant en un désert de cratères. Les feux de contre-batterie, estimés à 126 000 coups, dans la semaine qui précède le 9 avril, mettent hors d’état 83 % des canons allemands.

Durant l’assaut même, en plus de leurs propres pièces, les artilleurs canadiens utilisent neuf pièces d’artillerie capturées à l’ennemi. L’opération de Vimy reste un exemple classique de percée délibérée contre des positions solidement préparées et de la capacité des forces d’assaut de consolider et de conserver cet acquis.

Conclusion:

L’artillerie Canadienne, une des plus anciennes formations militaires du Canada, s’organise à la fin du XIXe siècle pour connaitre un véritable changement d’échelle durant la Grande Guerre. Ses différentes formations et ses servants sont engagés dans toutes les batailles, des Flandres à la Somme, en passant par l’Artois. C’est à Vimy, en avril 1917, que l’Artillerie Canadienne va jouer son rôle le plus déterminant du conflit en assurant, à travers la nouvelle stratégie des tirs de barrages progressifs et de l’avancée immédiate du feu sur les zones conquises, la destruction des défenses allemandes. Vimy établit une nouvelle norme quant à la préparation de l’artillerie pour résister aux puissantes contre-attaques de l’ennemi, une fois que l’infanterie a réussi à capturer ses objectifs. Cette image du feu roulant préfigure également et d’une certaine manière celle de l’arrivée des premiers chars sur les champs de bataille.

Bibliographie :

Charles H. Stewart, « Overseas » The lineages and insignia of the Canadian Expeditionary Force 1914-1919, Little & Stewart, Mission Press, Ontario,  1971.